
Comment attirer et embaucher plus de femmes dans la Tech ?
Quand en 1843, Ada Lovelace inventait l’algorithme capable de fabriquer la première machine à calcul, elle ne se doutait pas que plus d’un siècle plus tard, seulement 20 % des emplois du secteur IT seraient occupés par des femmes.
On aurait tendance à se dire que face à un écran d’ordinateur, hommes et femmes sont égaux. Bien au contraire ! Le sujet des femmes dans le secteur IT – ou leur absence, pourrait-on dire – est sensible.
Les biais de comportement ou de perception, les écarts de salaires, les stéréotypes et les portes qui se ferment pour certains postes… tout cela fait partie du quotidien.
Et même si de nombreuses études et statistiques montrent une corrélation directe entre la présence des femmes en entreprises et davantage de productivité ou d’efficacité, le secteur IT demeure l’un des plus hermétiques et l’un des moins agiles lorsqu’il s’agit d’embaucher ou de fidéliser les femmes.
Si vous voulez augmenter la diversité dans votre entreprise et donner plus de place aux femmes dans un esprit d’équité et d’efficacité, voici quelques conseils que toutes les entreprises du secteur IT et les autres pourraient ou devraient suivre.
L’histoire du développement informatique : une histoire d’hommes, vraiment ?
Le personnage et la vie d’Ada Lovelace, qui est considérée comme l’une des pionnières du dialogue homme-machine et de la programmation informatique, occultent souvent une tendance de fond : celle de la montée des femmes dans le secteur informatique.
Savez-vous par exemple que jusque dans les années 80, elles représentaient plus de 37 % des salariés du secteur IT en Europe et aux États-Unis ?
Tout au long des années 50 et 60, les femmes continuent de travailler dans l’informatique, souvent dans la création de logiciels (software) tandis que les hommes se concentrent sur le développement du matériel informatique (hardware). Les « Figures de l’ombre » de la NASA contribuent à ce qu’on marche sur la Lune dans les années 60.
Et pour ceux qui s’intéressent au sujet, je vous conseille de regarder Les Figures de l’ombre, film assez réussi qui narre le destin extraordinaire, au début des années 60, des trois scientifiques afro-américaines qui ont permis aux États-Unis de prendre la tête de la conquête spatiale grâce à la mise en orbite de l’astronaute John Glenn.
Les années 80 et la mainmise masculine sur la Tech
Le vrai moment de bascule, ce sont les années 80. On assiste à l’émergence de role models masculins comme Steve Jobs ou Bill Gates qui volent la vedette à des Adèle Goldberg (qui est à l’origine du premier ordinateur à interface graphique avant Apple et Microsoft).
Et puis, la publicité et les schémas mentaux bien ancrés de ceux qui les conçoivent font le reste. L’introduction du micro-ordinateur dans les foyers s’accompagne de campagnes de communication mettant en scène des papas et leurs fils, reléguant la femme au second plan.
Pour finir, les jeux vidéo terminent de bâtir une cloison bien étanche entre hommes et femmes, les renvoyant chacun dans des camps irrémédiablement opposés dans lesquels Mario et Link délivrent leurs princesses, et Tomb Raider est une héroïne siliconée et fantasmée qui ressemble à la petite amie qu’on n’aura jamais en passant ses journées devant un écran avec une manette entre les mains.
You can’t be what you can’t see!
Si les petites filles pensent que seuls les hommes peuvent être pompiers ou astronautes, alors elles n’auront même pas l’idée de se diriger vers ce genre de carrières.
Il en est de même pour la Tech. Il faut que les entreprises mettent en avant des profils féminins inspirants afin de montrer qu’il n’est pas nécessaire d’être Mark Zuckerberg pour réussir. Car, comme on l’a vu, les représentations mentales ont la vie dure. Une récente étude de PwC menée aux États-Unis a révélé que seulement 3 % des étudiantes pensent briguer une carrière dans la technologie.
Aux États-Unis, certaines associations comme Girls Who Code ou Kode with Klossy ont bien compris le pouvoir de l’image et du symbole en collaborant avec des personnalités du monde du show-business ; en l’occurrence, le mannequin Karlie Kloss.
Tips Betuned : comment rendre les femmes visibles dans votre entreprise ?
- Incitez les femmes qui évoluent à des postes de management à publier des articles sur votre blog, à prendre la parole lors d’événements publics.
- Travaillez sur le long terme à la construction d’un comité de direction équilibré entre hommes et femmes et faites-en la promotion sur les réseaux sociaux.
- Assurez-vous que vos supports marketing ne sont pas trop genrés. Par exemple : les visuels utilisés dans vos présentations ne représentent pas que des hommes.
Parlez le langage des femmes
Une étude menée par le site nerdelia.com montre que la façon dont une offre d’emploi est rédigée exerce une grande influence sur la manière dont elle est perçue par les femmes.
Si votre but est de recruter davantage de femmes à des postes de développeurs, il vous faudra vous débarrasser de tout ce que la culture geek masculine a de repoussant. Car bien souvent, même sans qu’on s’en rende compte, le vocabulaire et la syntaxe utilisés sont taillés sur mesure pour les hommes.
- Mettez donc rapidement de côté les “work hard, play hard”, les « rockstars », « ninjas » et autres “code warriors”… Vous n’êtes pas en train de recruter une guilde dans World of Warcraft ou un squad dans Counter Strike. Un peu de finesse, s’il vous plaît.
- Autre point important : les avantages en nature exclusivement masculins comme les consoles de jeu ou l’open-bar du jeudi soir sont à double tranchant. Sans vouloir genrer les activités, un massage de 30 minutes offert par l’entreprise ne plairait-il pas à tout le monde ?
- Enfin, les études et les sondages menés en entreprise suggèrent que les femmes sont plus susceptibles de postuler dans des entreprises à l’image plus glamour, comme Instagram, ou encore auprès de sociétés ayant un impact positif sur le monde, la question du « sens » étant encore plus prégnante chez les femmes.
Une vraie carte à jouer en termes de marque employeur, donc, si bien sûr votre politique RSE et vos engagements ne sont pas simplement du bullshit marketing, comme c’est bien souvent le cas.
Tips Betuned : deux conseils pour rédiger vos offres d’emploi et attirer plus de femmes.
- Remplacez les mots « ambitieux », « assertif » “hacker” ou « compétiteur » par des termes comme « adaptable », « consciencieux » « motivé » ou « créatif ».
- Séparez les compétences dont vous avez vraiment besoin de celles qui sont secondaires : les hommes ont tendance à postuler quand ils remplissent 60 % des critères du poste à pourvoir, alors que les femmes ne postulent que si elles pensent être 100 % compétentes.
Améliorer l’expérience candidatE
Tout l’enjeu réside dans le fait d’adapter le processus de recrutement en adressant les objectifs liés à la diversité dès la phase de sélection des candidats. Voici deux mesures à mettre en place très facilement.
Inclure des femmes dans le processus de recrutement
C’est encore mieux si elles occupent des postes de management. En effet, personne n’a envie d’être la première « femme lead developper » dans une entreprise. Si les entretiens qui se succèdent ne se font que face à des hommes, certaines candidates peuvent être intimidées et ne pas se sentir à leur place.
Promouvoir une politique RH “family friendly”
76 % des femmes se disent prêtes à postuler pour une entreprise qui met en avant le congé parental ou la flexibilité des horaires de travail dans ses offres d’emploi.
Il est également important d’aborder ces sujets dès la phase d’entretien pour rassurer les candidates sur le fait qu’elles n’ont pas à choisir entre une vie de famille et une belle carrière.
Si vous manquez d’inspiration, voici quelques avantages à faire figurer dans vos contrats de travail :
- des congés maternité et paternité payés à 100 % ;
- des horaires flexibles certains jours de la semaine ;
- le télétravail (bien sûr !) ;
- une bonne assurance santé ;
- la possibilité d’un congé sabbatique.
À travail égal… salaire égal ?
Cela va de soi, mais êtes-vous bien certain de l’appliquer ? Peut-être qu’une analyse détaillée de votre masse salariale vous permettra de vous en assurer. À poste égal, la rémunération et les avantages en nature doivent être identiques pour les hommes et les femmes.
Vous pouvez par exemple mettre en place un système de grille salariale dont le premier critère est le poste et non le profil de la personne que vous avez embauchée.
Mettez à plat votre processus d’évaluation annuel pour identifier les tendances en termes d’augmentation et de promotions. Concernent-elles plus les hommes que les femmes ?
Le saviez-vous ? Il n’y a pas que dans la Tech que les écarts de rémunération sont flagrants.
Selon Eurostat, en Belgique, les hommes ont des salaires en moyenne supérieur de 14,1% à poste égal. Un écart qui n’a diminué que de 2% en 10 ans.
Pire ! Selon une autre étude menée par le ministère du Travail et de l’Emploi, cet écart représente 23,1% si l’on prend en considération la répartition inégale de la durée du travail
Et quand il s’agit des primes et des bonus de fin d’année, les hommes sont deux fois plus récompensés (en valeur) que les femmes ! Cela s’explique en partie par le fait que les hommes occupent davantage de postes à hauts-revenus lesquels sont liés des rémunérations à la performance. Un vrai cercle vicieux !