Ingénieur ou manager, avez-vous vraiment le choix ?

Le contexte économique volatile et incertain que nous connaissons depuis une dizaine d’années exige de plus en plus des ingénieurs qu’ils acquièrent ou démontrent des capacités managériales.

Pour assurer leurs arrières et leur avenir, les entreprises misent en effet sur des candidats multitalents et adaptables à des conditions de travail extrêmement changeantes.

Pouvoir gérer une équipe ou démontrer que l’on en est capable est devenu un critère de sélection important pour les profils à dominante technique. Cette démarche s’inscrit dans celle de la valorisation des soft skills, ces compétences qui ne sont ni techniques ni académiques, mais qui relèvent de notre capacité à comprendre l’autre et s’approprier les vrais enjeux d’une situation.

Pourquoi et comment donner une dimension managériale à sa carrière d’ingénieur ? Cette voie est-elle accessible — voire souhaitable — pour tous ?

Pourquoi vouloir devenir ingénieur-manager ?

La question mérite en effet d’être posée ! Pourquoi diable un scientifique voudrait-il devenir un leader ?

Par définition, un ingénieur est celui qui invente et recherche grâce à la maîtrise d’outils scientifiques qui lui permettent de porter un regard logique sur le monde qui l’entoure et de trouver des solutions à des problèmes complexes.

Oui, mais — désolé de décevoir les puristes de la technique — les compétences académiques ne suffisent plus, en tout cas pas toujours. Les grandes entreprises recherchent aujourd’hui des ingénieurs dotés d’une vision globale de leur métier ou de leur secteur et en harmonie avec leur stratégie.

« Les DRH sont beaucoup plus exigeants sur les valeurs et les qualités humaines et de leadership que sur les compétences techniques », affirme Claire Lecoq,directrice adjointe des formations à Télécom SudParis.

Il y a donc fort à parier que tout ingénieur, quels que soient sa spécialité ou son secteur d’activité, sera un jour amené à diriger une équipe et à endosser la double casquette d’ingénieur-manager.

Mais l’on se trompe si l’on pense que diriger une équipe est quelque chose d’inné, que l’on porte en nous, une compétence cachée qui s’activera au moment voulu.

Alors, en bon ingénieur, pourquoi ne pas se préparer et/ou se former aux métiers du management pour aborder l’avenir avec toutes les cartes en main ?

Comment se préparer à devenir ingénieur-manager ?

Il y a deux cas de figure : soit vous êtes encore étudiant.e et le champ des possibles reste ouvert, soit votre carrière a déjà commencé et il va falloir batailler davantage.

Le double-diplôme

Dès la fin des années 90, la plupart des écoles d’ingénieurs ont compris qu’une formation scientifique saupoudrée d’une dose de management serait une arme redoutable pour leurs diplômés… et aussi un élément important pour leur attractivité.

C’est ainsi que de nombreux partenariats se sont tissés avec des écoles de commerce donnant lieu à des « double-diplômes » très recherchés par les recruteurs.

« Aujourd’hui, les projets de développement des entreprises combinent nécessairement des aspects touchant à la fois à la technique, au marketing et au management. Former des experts combinant qualités techniques et qualités relationnelles, ayant une approche créative et commerciale, offre une double compétence très attractive pour les recruteurs », souligne-t-on à l’ICN Business School (une école de commerce française).

Au sein de ces formations, on retrouve l’ensemble du cursus d’ingénieur et ses spécialisations, associé à du marketing, de la communication interne, des ressources humaines, du management et, enfin, des cours de relations extérieures.

Retour sur les bancs de l’école

Après quelques années de carrière, un ingénieur qui souhaite s’orienter ou se former au management en a la possibilité.

Cela dépendra en grande partie de l’entreprise, de ses besoins et de votre capacité à formaliser un projet cohérent avec ce que vous pouvez apporter à l’organisation. Il existe de nombreux masters spécialisés ou des MBA qui, à coup sûr, vous feront passer de nombreuses nuits blanches, mais le jeu en vaut la chandelle.

À l’occasion d’un changement d’employeur, une formation en management peut aussi faire l’objet d’une négociation, au même titre que la rémunération.

Quelle carrière pour l’ingénieur-manager ?

Selon Futura Sciences, 21 % des ingénieurs occupent des fonctions managériales et un débutant sur dix encadre une petite équipe. Les jeunes double-diplômés sont tout de suite placés en situation de management ; ce sont des managers comme ceux qui sortent des écoles de commerce.

Les étudiants ayant opté pour ce double cursus ne le regrettent pas. Sauf exception, tous trouvent un emploi rapidement après la fin de leurs études.

Pour les ingénieurs déjà en poste, des compétences managériales acquises ou démontrées ouvrent des postes de CTO, de directeur de R&D ou encore de celui de VP Engineering, fonctions qui requièrent des qualités de leadership évidentes.

Un background managérial est également idéal pour évoluer dans le secteur du consulting. De chef de projet, on devient consultant senior, puis pourquoi pas prendre des parts dans la société si l ‘opportunité se présente ? L’’ingénieur-manager a plus de cartes en main pour se hisser jusqu’au Comex, si telle est son ambition !

Voir le monde autrement ?

Les nouvelles manières d’organiser le travail, sans silos, avec des équipes mixtes et agiles, doivent donner à toujours plus d’ingénieurs l’envie d’embrasser le changement et d’acquérir les compétences managériales qui leur serviront tout au long de leur carrière.

Mais comme nous l’évoquions plus haut, l’antinomie réelle ou supposée entre compétences techniques et managériales peut être à l’origine de certaines réticences. Rassurez-vous, il existe de nombreuses carrières d’ingénieur pour lesquelles les connaissances académiques pures sont très valorisées.

Car malgré toute leur bonne volonté, certains profils scientifiques restent perplexes devant certaines situations impliquant l’humain. Manager, c’est avant tout gérer les problèmes des autres et rendre des comptes à ses supérieurs ! Pour les profils techniques qui sentent grandir en eux la fibre managériale, la difficulté à s’extraire d’une vision rationnelle du monde — innée ou acquise pendant les études — n’est pas à sous-estimer, même si l’envie et la motivation sont présentes !