
Semaine de quatre jours : et si on travaillait moins pour travailler mieux ?
Travailler quatre jours au lieu de cinq en gardant le même salaire, ça vous dit ? Et accomplir le même travail en moins de temps, cela semble-t-il possible ? Voilà les principes de base de la semaine de quatre jours, en cours d'expérimentation en Europe et qui séduit de plus en plus d’entreprises.
Quels en sont les bénéfices pour les salariés et les entreprises ?
Et si vous êtes manager ou responsable RH, comment mettre en place cette réduction du temps de travail sans mettre en péril la productivité et l'efficacité des collaborateurs ?
De nouvelles attentes de la part des salariés
Depuis 2020, le monde du travail a considérablement évolué. En Belgique, près d’un salarié sur quatre (22 %) a changé de job dans les deux dernières années. Et 25 % de ceux qui n’ont pas encore osé le faire recherchent activement une nouvelle opportunité pour 2023.
Les raisons principales ?
- trouver un meilleur équilibre entre vie pro et vie perso ;
- accéder à un niveau de rémunération supérieur ;
- donner du sens à leur activité professionnelle.
Le Covid a donc transformé le rapport au travail et les aspirations des salariés. Employeurs, salariés et gouvernements cherchent à définir un nouveau « contrat » plus équitable, plus juste et plus efficace pour tout le monde.
La semaine de quatre jours s'inscrit dans cette tendance. En focalisant la réflexion sur le nombre de jours passés au bureau, elle fait partie des nouvelles formes d’organisation possible du travail.
Quels sont les pays qui expérimentent la semaine de quatre jours ?
Petit flashback pour vous montrer que réduire le temps de travail n’est pas une idée neuve. Ce sont d’ailleurs les gouvernements, souvent sous l’impulsion des syndicats de salariés et des patrons, qui ont été les plus prompts à lancer des expérimentations en ce sens.
L'Islande a longtemps été une figure de proue de ce mouvement en lançant une expérimentation grandeur nature sur le territoire en 2015. Au bout de quatre ans d'expérience, les chercheurs rapportaient une hausse notable de la productivité et du bien-être des salariés.
Un constat que partagent beaucoup d'entreprises qui ont testé ce nouveau rythme de travail, comme Microsoft au Japon en 2019 ou Unilever en Nouvelle-Zélande.
Et même aux États-Unis, le pays des workaholics et des dix jours de congés payés par an, une proposition de loi a été déposée par le démocrate Mark Takano à l'Assemblée de l'État de Californie pour réduire le temps de travail de 40 à 32 heures par semaine (avec des journées de huit heures) pour les entreprises de plus de 500 employés.
En 2021, l’Espagne a elle aussi lancé un projet pilote, suivie du Royaume-Uni.
Et en Belgique ?
Vous le savez, nous les Belges, nous n’aimons pas faire les choses comme tout le monde ! Contrairement à d’autres initiatives concernant la flexibilisation du temps de travail, la semaine de quatre jours envisagée par le gouvernement belge ne prévoit pas de réduction du temps de travail effectif…
Néanmoins, cette ouverture vers un changement des heures quotidiennes travaillées est une petite révolution. Les huit heures quotidiennes figuraient dans une loi actée dès 1921 et certains bâtiments belges portent même encore la mention de « Maisons des huit heures ».
Le saviez-vous ? « Quand Henry Ford a lancé la semaine de cinq jours au lieu de six, tout le monde s'est moqué de lui. Mais la hausse de productivité a été telle que cela compensait la réduction du temps de travail. Dix ans après, tout le monde était aligné sur lui, par pragmatisme. »
Quels sont les avantages pour les salariés ?
Réduire le temps de travail, oui, mais est-ce que salariés et entreprises en tirent les mêmes bénéfices ?
Plus de productivité
Travailler moins longtemps ne signifie pas travailler moins bien. C’est là une idée reçue qui a la vie dure. Toutes les entreprises qui ont testé la semaine de quatre jours sont pour l’instant formelles : les salariés travaillent mieux qu’avant !
Chez des entreprises pionnières comme Yprema (recyclage), British Telecom ou Love Radius (accessoires pour bébés), une étude menée à grande échelle quelques mois après le passage à la semaine de quatre jours a révélé une augmentation de cinq points de la productivité.
Bien sûr, les salariés ont dû trouver de nouvelles méthodes de travail et apprendre à mieux s’organiser afin de répondre aux objectifs de l’entreprise. Mais cela fonctionne.
Moins de stress et une meilleure qualité de vie au travail
Pour les collaborateurs de l’entreprise, la semaine de quatre jours semble être un bon compromis pour construire un équilibre sain entre vie professionnelle et vie personnelle. Selon la même étude, on constate une baisse de dix points du stress ressenti au travail par les salariés. Ils se sentent mieux et leur semaine est beaucoup plus équilibrée entre vie professionnelle et personnelle.
Les salariés sont-ils prêts à gagner moins ?
Certains, oui ! Selon l’étude The Workforce View in Europe 2019, menée par ADP, 56 % des salariés interrogés affirment préférer travailler quatre jours au lieu de cinq.
Pour ce faire, 78 % d’entre eux souhaiteraient agrandir leur plage horaire afin de conserver la même rémunération alors que 22 % choisiraient de diminuer leur temps de travail, quitte à gagner moins.
Un gros coup de boost pour la marque employeur et la culture d’entreprise
Globalement, la semaine de quatre jours attire les talents et motive les collaborateurs en poste. Certaines entreprises, comme LDLC (matériel informatique) à Lyon, s’en servent comme argument pour recruter les meilleurs candidats disponibles sur le marché et motiver leurs salariés.
Selon l’aveu du PDG Laurent de la Clergerie, la mise en place de la semaine de quatre jours en 2021 a été « une histoire qui dépasse l’imagination, contre-intuitive, presque un conte de fées ». Il ajoute : « Nous recevons même beaucoup plus de candidatures depuis que tout le monde sait que LDLC est passé à quatre jours au lieu de cinq. Cela a eu pour effet de donner un lifting à notre marque employeur et de rassembler les salariés autour d’un projet dont ils possèdent les clés du succès. »
Le potentiel est donc énorme pour une PME qui peine à recruter et qui peut faire de ce genre de dispositif innovant une arme décisive pour rivaliser par rapport aux grands groupes dans la guerre des talents.
De vrais résultats
Et les résultats sont là chez LDLC : 6 % de croissance en 2021, 20 % de gain de résultat et un solde négatif entre embauches et départs.
Et quand on l’interroge sur d’éventuelles difficultés à assurer un service client irréprochable toute la semaine, Laurent de la Clergerie conclut : « Que s’est-il passé après la mise en place de la semaine de quatre jours…? Rien… Enfin, si. On a pris l’habitude de recevoir quelques mails en semaine qui disaient “Je suis off aujourd’hui”. Des mails qui ont largement diminué avec le temps. On a aussi appris que beaucoup de choses n’étaient pas à 24 heures près — tant que ça ne touche pas à notre qualité de service. »
Comment mettre en place la semaine de quatre jours dans votre entreprise ?
La semaine de quatre jours, ça vous tente ? Avant toute chose, gardez en tête que chaque entreprise a des problématiques et des caractéristiques différentes. Mettre en place la semaine de quatre jours dans une PME de quatre employés serait sans doute suicidaire.
De même qu’entreprendre un changement d’une telle envergure dans un groupe de 30 000 salariés demanderait une organisation sans faille.
Voici notre checklist pour ne pas s’emmêler les pinceaux lors de sa mise en place.
Lancer une phase d’expérimentation
Un grand groupe peut, par exemple, tester la semaine de quatre jours sur une filiale avec trois mots d'ordre : expérimenter, collaborer, s'adapter. L'entreprise peut ensuite mener des learning expeditions, des discussions avec celles qui l'ont déjà mis en place, des échanges de bonnes pratiques…
Et surtout, ne rien figer dans le marbre. Il faut absolument « se laisser la possibilité de revenir en arrière si la semaine de quatre jours ne fonctionne pas », estime Thomas Bergerot, fondateur et CEO de la startup montpelliéraine RadioShop qui, elle aussi, a réduit le nombre de jours hebdomadaires travaillés à quatre.
Revoir son organisation du travail
Rester efficace sur quatre jours passe par des changements de pratiques. À commencer par réduire au strict minimum et réorganiser les réunions : ordre du jour clair, à préparer, temps limité connu de tous et invitation uniquement des personnes concernées.
Cette nouvelle organisation nécessite aussi de la polyvalence : les salariés sont formés à remplacer leurs collègues, ou alors des binômes sont créés sur un même poste.
Imposer les jours non travaillés
Savoir qui viendra quand, selon les besoins, peut néanmoins devenir un vrai casse-tête. Pour éviter de complexifier l’organisation en interne, mieux vaut imposer les jours chômés et bien les communiquer aux équipes.
Impliquer les salariés
Parmi les initiatives possibles, on pense notamment à l'édition d'un guide de bonnes pratiques ou des échanges réguliers ou informels. Il est également primordial d'améliorer le partage d'informations pour que les salariés suivent ce qui s'est passé en leur absence.
Impliquer les managers
Leur expliquer les intentions, le sens de la démarche. Mais aussi les écouter, car ils sont au plus près des réalités du travail et prendre conscience qu'un manager qui travaille quatre jours doit adopter d'autres pratiques, avoir plus confiance, savoir que ses équipes seront moins disponibles.
Mettre en place des KPI et mesurer
Le bien-être des salariés est une chose, mais il faut s’assurer que les performances de l’entreprise suivent.
Chaque entreprise doit se construire une liste de KPI à suivre pour mesurer l'impact de la semaine de quatre jours sur ses performances, en gardant à l'esprit que dans un premier temps, l'efficacité peut baisser, le temps que les salariés s'habituent au nouveau rythme.
Avez-vous déjà testé la semaine de quatre jours ? Qu’en pensez-vous ? Cela peut-il être bénéfique ? Est-il réaliste de « tout caser » en quatre jours et de partir en week-end sans culpabiliser ?